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Auteur : Hubert Haddad
Date de saisie : 12/11/2015
Genre : Romans et nouvelles - français
Editeur : Zulma, Honfleur, France
Collection : Littérature française
Prix : 16.50 €
ISBN : 9782843047480
GENCOD : 9782843047480
Sorti le : 20/08/2015
C'est un sujet fascinant dont s'empare ici Hubert Haddad. Un célèbre neurochirurgien s'apprêterait à effectuer une greffe inouïe : transplanter la tête d'un homme sur le corps d'un autre...
Journaliste engagé, en lutte ouverte contre les trusts pharmaceutiques et les mafias de la finance, Cédric Allyn-Weberson vit avec Lorna une passion entière, charnelle, amoureuse. Jusqu'au jour où il se trouve confronté à une violence radicale, celle de perdre accidentellement l'usage de son corps. Se met alors en branle une machine infernale.
Roman au suspense continu, Corps désirable captive par la magie d'une écriture lumineuse qui donne à éprouver intimement les sensations les plus subtiles des personnages - questions lancinantes de l'amour, de l'incarnation du désir et des illusions de l'identité.
Face aux questions éthiques et existentielles soulevées par une actualité brûlante, entre extravagances de la science et quête d'identité, Hubert Haddad pousse la fiction-vérité dans ses ultimes retranchements. Plus que jamais, avec Corps désirable, l'auteur de Palestine ou du Peintre d'éventail nous bouleverse et nous emporte. Et c'est sans doute la marque de son oeuvre que de recourir aux pouvoirs de l'imaginaire pour saisir sur le vif la complexité et les ambiguïtés d'une époque.
Avec subtilité, Hubert Haddad livre un conte fascinant sur le projet de greffe d'un nouveau corps à un homme grièvement blessé...
L'écrivain confirme une fois de plus la dimension protéiforme de son talent avec ce conte envoûtant où l'inenvisageable est envisagé, l'impensable pensé. Avec subtilité, il glisse d'un genre à l'autre, double l'histoire d'amour d'une intrigue policière, enrichit le récit d'un défi médical d'une trame métaphysique. Dans un style d'une belle élégance, il crée un suspense oppressant, maîtrisé jusqu'à la pirouette de la dernière phrase.
Fascinante et redoutable perspective que la communauté scientifique estime encore bien incertaine, bien lointaine en tout cas, et dont Hubert Haddad précipite l'échéance dans son roman sans cacher ni la source de son inspiration ni sa défiance : son chirurgien se nomme Giorgio Cadavero, il ne s'embarrasse guère des questions éthiques et philosophiques que son projet soulève pourtant en nombre et auxquelles le romancier va s'intéresser à sa place avec beaucoup de gravité. Hubert Haddad ne néglige rien. La technique de la greffe semble n'avoir aucun secret pour lui, je lui confierais sans peur mon auriculaire à recoudre. Et sa connaissance du sujet, osons le dire, donne du corps à son propos. L'intrigue romanesque est ici un prétexte permettant de mettre en scène le cas d'école. Elle prend sur la fin un tour criminel un peu forcé, mais qu'importe. L'écriture est belle, déliée, y compris dans les passages où l'auteur s'interroge sur les enjeux de cette chirurgie thaumaturgique.
Prologue
L'immortalité n'aura bientôt plus de secret pour l'homme. Nous l'avions déjà découverte à l'état naturel chez une insignifiante méduse sans coeur ni cervelle, la turritopsis, qui, une fois atteint un seuil critique de maturité, voit son cycle de vie s'inverser, revenir à l'état juvénile, avant un nouveau déclin, et cela indéfiniment. Tout ce que promettent les sciences se réalisera fatalement. En concurrence probable avec la bionique, d'ici quelques années, la chirurgie transplantatoire saura reconstituer l'homme intégral, comme dans certain roman gothique. Bienheureux ou martyrs, quelques élus pourront ainsi vivre plusieurs vies successives avec une seule et même tête, en éclaireurs d'une humanité pérenne. Quant aux questions des usages du corps amoureux et de l'intégrité de la conscience ou de l'âme, il faudrait pour y répondre en faire soi-même l'épreuve charnelle, en cobaye de l'éternité.
Un jour peut-être, bien plus tard, si la biodiversité l'autorise, quand l'espèce humaine en coma dépassé aura remonté à bloc l'horloge de l'apocalypse, les enfants et les idiots se demanderont avec une candeur intacte ce qu'était le monde avant la création de l'homme.
I
Il ne reconnaît pas vraiment cette ville, en dépit d'un air presque inquiétant de familiarité sans doute lié à l'heure, au clair-obscur crayonnant les façades dans la lumière du soir, mais c'est d'un pas assuré qu'il se rend à l'Hôtel de la Solitude où, dans son souvenir, une chambre a dû lui être£ réservée. Avec le crépuscule, dans l'azur profond, des enseignes lumineuses se découpent au-dessus des toits sur fond de montagnes.
Il y a foule encore, des jeunes couples, des vieillards endeuillés, des handicapés en tout genre, des cohortes de religieuses à cornette réjouies comme des collégiennes. Alors qu'il traverse un haut pont de pierre jeté sur une rivière qui gronde, torrentueuse, contre les piliers des arches, un individu vêtu de noir lui touche l'épaule dans la pénombre. Surpris, il sursaute et bondit en arrière. «Quoi, que me voulez-vous ?» s'exclame-t-il, sur ses gardes. Il lui semble l'avoir aperçu tout à l'heure : devant la gare, tous deux piétinaient en vain dans l'attente d'un taxi. L'autre l'aura probablement suivi jusqu'à ce pont mal éclairé. «Vous êtes bien Cédric Allyn-Weberson ?» lui demande posément son interlocuteur. Il remarque à ce moment sa mise soignée, l'air compatissant d'ordonnateur des pompes funèbres plaqué sur sa face bleuâtre. «Je me présente, ajoute ce dernier, maître Puith, avocat à la cour. Mais ce n'est pas à ce titre que je me suis permis...» Il lui saisit le bras en baragouinant de vaines excuses et l'entraîne du côté illuminé de la ville. Incohérent, plein d'allusions tour à tour enjouées et querelleuses, l'inconnu discourt en chemin d'une transaction ou d'un marché dont il se prétend le mandataire. Au bar de l'hôtel, soudain affable devant un verre, il explique plus clairement sa démarche : on voulait lui acheter l'exclusivité de son nom. Rien de moins. Un financier texan proposait une somme considérable pour que Cédric Allyn-Weberson lui cédât son patronyme. «Vous comprenez, poursuit d'une voix étrangement pâteuse l'avocat, ce nom n'a pas d'équivalent, vous êtes le seul au monde à le porter depuis la mort subite de monsieur votre père...» Les rêves loquaces sont rares ; on s'éveille d'habitude assez vite quand des paroles distinctes parviennent à la conscience. La mort subite de son père ! À peine a-t-il le temps de s'offusquer que toute la scène s'évanouit dans une torpeur inquiète.
(...)
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